Terre de feu - Ushuaia / Rio Grande :
Le thème des migrations a toujours jalonné mon travail de recherche. D'abord à travers l'analyse des trajectoires des militants autochtones. Je me suis en effet rendue compte que la plupart avaient connu une longue expérience urbaine qui avait participé à leur "formation politique". C'est grâce à cela qu'ils étaient parvenus à inverser le stigmate de leur appartenance indienne (par leur formation universitaire et/ou la fréquentation du milieu militant urbain). J'ai continué à explorer le thème de la migration en m’intéressant à celles, massives, en direction de la Terre de feu. En effet 1/5ème du village d’Amaicha vit à 4000 km dans ces régions polaires défiscalisées attractives financièrement. C'est une sorte de zone franche, l'Argentine ayant la volonté de peupler ces régions frontalières avec le Chili qui sont riches en matières premières. Cela m’a amenée à faire une enquête de terrain en 2010 dans ces régions inhospitalières, notamment à Rio Grande, une ville où se trouvent des usines d'assemblage technologiques. C'est là que sont installés la plupart des migrants en quête d’ascension sociale car les salaires y sont plus élevés que dans le reste du pays. Ils vivent cependant souvent dans des conditions très précaires, dans des baraquements difficiles à chauffer dans ces régions glaciales. Tous n'ont pas accepté de nous rencontrer, ne voulant pas donner cette image dans leur village d'origine. Certains reviendront, après plusieurs années, en ayant réussi à acheter un véhicule neuf qui leur permettra de développer un petit commerce au village ou de faire taxi. Certaines associations locales en terre de feu rassemblent des habitants originaires du village qui se réunissent de manière hebdomadaire et se cotisent parfois pour aider à financer certaines infrastructures au sein de leur communauté d'origine. Nous avons pu observer aussi des mouvements de valorisation identitaire liés à la migration comme nous avions pu l’analyser dans la trajectoire des militants autochtones.